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Pas de lien entre cédant et cessionnaire en cas d’apport en industrie à la SCP après cession des parts

Publié le 23/06/21 par Editions Francis Lefebvre

    23/06/2021 | FIL D'INFO | Entreprises - Sociétés

    Pas de lien entre cédant et cessionnaire en cas d’apport en industrie à la SCP après cession des parts

    CE 9e-10e ch. 19-5-2021 n° 430265

    L’exonération dont a bénéficié la plus-value réalisée par l’associé d’une SCP lors de la cession de ses parts à d’autres associés ne peut être remise en cause au motif que le cédant s’est vu attribuer, peu de temps après la cession, des parts en industrie dans cette SCP, cette dernière ne pouvant être regardée comme le cessionnaire des parts.

    1.  Le Conseil d’État se prononce sur la portée du dispositif anti-abus qui, en présence de liens de dépendance entre le cédant et le cessionnaire, fait obstacle à l’application de l’exonération des plus-values professionnelles prévue par l’article 238 quindecies du CGI, destinée à favoriser la transmission des petites entreprises.

    2.  On rappelle que les plus-values réalisées à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité peuvent être exonérées, selon la valeur des éléments transmis, à condition que l’activité ait été exercée pendant au moins cinq ans. Cette exonération s’applique également en cas de cession de l’intégralité des droits ou parts d’une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu détenus par un associé exerçant son activité professionnelle dans le cadre de la société. En cas de cession de tels droits ou parts, l’application de l’exonération est toutefois subordonnée à la condition que le cédant ne détienne, directement ou indirectement, aucun droit de vote ou aucun droit aux bénéfices sociaux dans l’entreprise cessionnaire au cours des trois années qui suivent la réalisation de l’opération ayant bénéficié de l’exonération (CGI art. 238 quindecies).

    Une lecture extensive de la clause anti-abus par l’administration et les juges du fond…

    3.  C’est précisément sur la portée de cette clause « anti-abus » que le Conseil d’État vient de se prononcer. Dans l’affaire qui lui était soumise, deux avocats avaient cédé à leurs associés l’intégralité de leurs parts sociales de la société civile professionnelle (SCP) dont ils étaient titulaires et avaient réalisé, à cette occasion, une plus-value qu’ils ont placée sous le régime d’exonération prévu par l’article 238 quindecies du CGI. À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette exonération au motif que la condition tenant à l’absence de liens entre cédant et cessionnaire n’était plus respectée dès lors que la SCP avait, peu de temps après la cession, attribué aux cédants des parts en industrie , qui leur permettaient d’avoir droit à une fraction des bénéfices et de participer aux décisions prises par l’assemblée des associés.

    4.  Saisie d’un appel à l’encontre d’un jugement du tribunal administratif d’Orléans qui avait rejeté la demande de décharge des contribuables, la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé la position de l’administration. Après avoir relevé que la SCP d’avocats est une société de personnes fiscalement transparente au sein de laquelle les associés cessionnaires exercent leur activité et rappelé que, conformément à la législation applicable à l’époque des faits, tout associé ne peut être membre que d’une seule SCP d’avocats et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel ni en qualité de membre d’une autre société, la cour a considéré qu’il convenait de tenir compte des liens entre les cédants et la SCP . Dès lors que l’attribution par la SCP de parts en industrie aux cédants leur avait ouvert droit à un partage des bénéfices sociaux, la cour a approuvé la remise en cause par l’administration du bénéfice de l’exonération au motif que les cédants détenaient, directement ou indirectement, des droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cessionnaire.

    … contredite par le Conseil d’État

    5.  Le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour. Il considère en effet que la cession de parts représentatives du capital social d’une SCP peut être réalisée auprès d’associés d’une telle société et qu’en assimilant la détention de ces parts par les associés à une détention de celles-ci par la SCP elle-même, qui a une personnalité juridique distincte des associés, la cour a commis une erreur de droit.

    À noter. Comme le relève Céline Guibé dans ses conclusions, une clause anti-abus ne saurait être implicite et il revient au législateur de définir avec précision les exceptions au principe de l’exonération qu’il institue. Au cas particulier, la lettre de l’article 238 quindecies, III du CGI interdit uniquement une prise de participation du cédant dans l’entreprise cessionnaire et n’évoque pas l’hypothèse d’une cession aux associés de la société de personnes au sein de laquelle le cédant exerçait son activité. Or les associés, personnes physiques, sont distincts de la SCP, qui dispose de la personnalité morale, et une cession au profit de ces associés ne peut être regardée comme une cession réalisée au profit de la société.

    6.  Jugeant l’affaire au fond, il considère que, si les cédants ont reçu des parts en industrie de la SCP dont ils ont vendu les parts, leur ouvrant droit au partage de ses bénéfices, cette SCP n’était pas le cessionnaire de leurs parts. Ils ne peuvent, dès lors, être regardés, à raison de ces parts en industrie, comme ayant cédé leurs parts à un cessionnaire dans lequel ils auraient détenu, pendant la période de trois années suivant la cession, directement ou indirectement des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux.

    Céline Guibé relève dans ses conclusions que, en cas de retour du cédant au sein de la société après la cession de ses parts, l’exonération ne pourrait être éventuellement remise en cause qu’en cas d’abus de droit . Cette possibilité lui semble toutefois devoir être écartée au cas particulier. En effet, dès lors que les parts en industrie ne donnent pas accès au capital social et ne sont pas cessibles, l’opération n’a pas permis aux cédants de procéder à une réévaluation en franchise d’impôt de leur actif professionnel, dans le but de diminuer le montant d’une future plus-value. Par ailleurs, le choix de poursuivre leur activité au sein de l’entreprise cédée sous la forme d’un apport en industrie lui semble cohérent avec un objectif de transmission progressive de l’entreprise aux nouveaux associés, propre à pérenniser le maintien de l’activité dans la durée, ce qui est conforme à l’objectif poursuivi par le législateur en instituant l’incitation fiscale en cause.