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Plan de lutte contre les algues vertes

Publié le 17/06/21 par Editions Francis Lefebvre

    17/06/2021 | FIL D'INFO | Rural

    Plan de lutte contre les algues vertes

    TA Rennes, 4 juin 2021, n° 1806391

    Le juge administratif enjoint à l'Etat de renforcer les mesures préventives.

    Sur requête de l’association Eau et rivières de Bretagne, le tribunal administratif de Rennes a annulé le 4 juin 2021 le refus implicite du préfet de la Région Bretagne de modifier le sixième plan d’actions de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates, approuvé en août 2018.

    L’association qui a obtenu, à plusieurs reprises, la condamnation de l’Etat pour méconnaissance de la directive « Nitrate » du 12 décembre 1991 et défaillances fautives dans la mise en œuvre de la police des installations classées (TA Rennes, 1re ch., 25 oct. 2007, no 0400630, confirmé en appel par CAA Nantes, 1er déc. 2009, no 07NT03775) avait vainement sollicité le renforcement du plan de lutte contre les algues vertes, au vu des résultats insuffisants obtenus pour endiguer le phénomène des marées vertes qui affecte régulièrement les baies peu profondes de la région.

    Depuis 2010, un programme spécifique de lutte contre les algues vertes est, en effet, intégré au plan d’action régional afin de prévenir les fuites d’azote en mer (C. envir., art. L. 211-3, 5o et R. 211-81-1). Les mesures spécifiques au PLAV sont incitatives, le recours à la contrainte n’étant prévu qu’en cas d’engagement insuffisant des exploitants agricoles et de résultats trop insuffisants dans les 3 ans (C. rur., art. R. 114- 8). A l’issue d’un bilan pourtant mitigé de l’application du premier PLAV- 55 % seulement des objectifs de qualité des eaux ont été atteints -, un second plan a été approuvé pour la période 2017-2021 sans pour autant renoncer à cette logique de contractualisation avec des exploitants volontaires. Les seules mesures réglementaires contraignantes applicables aux baies concernées par les marées vertes sont, en réalité, celles que le programme d’actions régional prescrit pour l’ensemble de la Bretagne dont le territoire est entièrement qualifié de zone vulnérable au nitrate d’origine agricole.

    La juridiction rennaise constate sans surprise que ce parti pris déjà contesté, à plusieurs reprises, par le Conseil général de l’environnement et du développement durable en 2018 (a priori lors de l’évaluation du 6e PAR), puis en 2020 (a posteriori lors du contrôle de sa mise en œuvre : Rapport « Contribution à l’évaluation des programmes d’actions pour la lutte contre la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole, Examen de la mise en oeuvre de quelques mesures et des dérogations préfectorales. Identification de voies de progrès », CGEDD n° 013362-01, CGAAER n° 20034, nov. 2020) est d’autant plus inadapté alors que les volumes d’épandage d’effluents ont augmenté. Dès lors, le refus de modifier le PAR breton afin d’y intégrer des mesures contraignantes et spécifiques à la problématique des algues vertes constitue une erreur d’appréciation. Le maintien d’un bilan azoté bien trop élevé pour être adapté à la situation est particulièrement dénoncé, le tribunal se référant, de nouveau, expressément à la position d’experts. Dans un avis du 27 avril 2018, l’agence de l’eau Loire-Bretagne avait, en effet, souligné le manque d’ambition du plafond, fixé à 50 kg par surface agricole utile, pour espérer obtenir des résultats probants. La convergence des avis scientifiques et administratifs ne laissait guère planer de doute sur le sens de la décision juridictionnelle.

    Les autorités de l’Etat avaient toutefois espéré du juge qu’il diffère les effets de l’annulation de sorte que les mesures contraignantes soient intégrées au 7e plan d’actions régional dont la finalisation est attendue pour septembre 2022. Le tribunal administratif refuse de faire usage des pouvoirs de modulation dans le temps d’une annulation, prérogative dont il est investi depuis la jurisprudence « AC ! » (CE Ass., 11 mai 2004, n°255886). L’application immédiate du jugement ne génère aucune conséquence excessive : les autres dispositions du 6e PAR ne sont pas fragilisées car leur légalité n’est pas en cause et rien n’empêche les autorités compétentes d’apporter les compléments requis.

    A cet égard, le tribunal prescrit même une obligation d’agir en ordonnant l’édiction de mesures contraignantes dans un délai de quatre mois. L’usage du pouvoir d’injonction défini par les articles L.911-1 et 2 du code de justice administrative est inédit dans le contentieux des marées vertes et prouve que l’attentisme n’est plus d’actualité. Bien que le juge n’ait pas assorti cette injonction d’une astreinte par jour de retard (comme le permet l’article L.911-3 du CJA), la rigueur de sa décision contentieuse reste certaine. En conséquence, l’autorité préfectorale va devoir elle-même faire preuve de fermeté dans les bassins versants dont les baies sont particulièrement exposées aux algues vertes. L’efficacité de ces contraintes supposera toutefois la mise en œuvre d’un contrôle effectif, cohérence qui semble là encore avoir fait défaut aux services de l’Etat. Un rapport sénatorial pointe en effet la réduction de moitié des contrôles de fonctionnement des installations classées d’élevage dans les Côtes d’Amor, département pourtant très impacté par les marées vertes (Sénat, Rapport « Algues vertes en Bretagne : de la nécessité́ d’une ambition plus forte », 26 mai 2021, p.75). 

    Véronique Inserguet-Brisset, Maître de conférence en droit public - Faculté de droit de l'université de Rennes

    Etudes concernées

    • Environnement et agriculture