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Indemnisation intégrale des préjudices subis par les expropriés : censure du Conseil constitutionnel

Publié le 17/06/21 par Editions Francis Lefebvre

    17/06/2021 | FIL D'INFO | Rural

    Indemnisation intégrale des préjudices subis par les expropriés : censure du Conseil constitutionnel

    Cons. const., 11 juin 2021, n°2021-915/916 QPC

    Les dispositions « anti spéculation » du code de l'expropriation sont constitutionnelles.

    Saisi par la voie de la QPC, le Conseil constitutionnel a affirmé la constitutionnalité de deux alinéas de l’article L.322-2 du code de l’expropriation qui permettent de protéger l’expropriant de la hausse de valeur vénale des terrains résultant de la perspective des travaux ayant justifié la dépossession.

    L’alinéa 2 de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation prévoit en effet que les biens concernés par la dépossession sont estimés à la date de la décision de première instance mais que seul est pris en considération l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique. L’alinéa 4 exclut pour sa part, la prise en compte des changements ultérieurs de valeur subis par les biens s’ils ont été provoqués par l’annonce des travaux ou opérations pour la réalisation desquels la DUP a été sollicitée.

    Ces deux dispositions législatives très classiques imposent donc au juge de l’expropriation d’évaluer le bien à une date très précoce, sans pouvoir tenir compte du prix auquel l’expropriant revendra en réalisant une plus-value certaine et substantielle. La constitutionnalité de la réalisation d’une plus-value au seul bénéfice de l’expropriant a été considérée comme une question suffisamment sérieuse et inédite pour que la Cour de cassation en renvoie l’examen aux juges du Palais Montpensier (Cass. 3e civ., 1er avril 2021, n°21-40.004). Le Conseil constitutionnel exclut néanmoins toute violation du principe de juste et préalable indemnité, posé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Quand bien même l’expropriant a prévu de revendre le bien à un prix incluant la hausse de valeur vénale, cette hausse n’a pas « vocation » à être prise en compte lors du calcul indemnitaire. Deux arguments majeurs justifient cette solution apparemment très favorable aux expropriants.

    Faire bénéficier les expropriés de la hausse de valeur vénale résultant de la perspective des travaux risquerait tout d’abord de compromettre le projet ; la majoration du coût foncier peut en effet s’avérer rédhibitoire pour les finances publiques dont la préservation est l’un des fondements historiques du droit de l’expropriation. Au surplus, les droits des expropriés restent préservés car le juge est en mesure de tenir compte des changements de valeur subis par les biens depuis la date de référence, pourvu que leur origine ne soit pas la perspective de la réalisation du projet d’utilité publique. L’évolution du marché immobilier pourra majorer le montant de l’indemnité de sorte que la réparation intégrale du préjudice direct et matériel généré par l’expropriation soit assurée. Les améliorations réalisées sur le bien sont en revanche appréhendées de façon beaucoup plus nuancée par le juge car présumées effectuées dans le seul but de majorer l’indemnité si elles sont intervenues après l’ouverture de l’enquête publique (C.expr., art. L. 322-1, al.2).

    Véronique Inserguet-Brisset, Maître de conférence en droit public - Faculté de droit de l'université de Rennes

    Etudes concernées

    • Environnement et agriculture