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L'article 757 du CGI est-il constitutionnel ?

Publié le 14/06/21 par Editions Francis Lefebvre

    14/06/2021 | FIL D'INFO | Rural

    L'article 757 du CGI est-il constitutionnel ?

    Cass. com. QPC, 12 mai 2021, n° 20-21.109, n° 542 D

    La Cour de cassation, estimant que ses dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution et que la question posée présente un caractère sérieux, l'a transmise au Conseil constitutionnel.

    Il peut paraître surprenant de constater que pour beaucoup de justiciables ou de contribuables, rien n'est plus simple que les conventions verbales alors que cette simplicité s'arrête à leur conclusion et qu'elles revèlent de sérieuses difficultés lors de leurs dénouement. Telle est l'observation que suggère la pratique du don manuel. Sa validité n'est pas discutable lorsqu'il porte sur des biens pouvant faire l'objet d'une « tradition » , mais ses conséquences fiscales peuvent susciter des difficultés.

    Lors de leur conclusion ils ne sont pas nécessairement imposables, ce qui peut justifier leur succès. Cette conséquence ne se vérifie que temporairement lorsque les donataires sont des présomptifs héritiers car l'article 784 du CGI impose de les rappeler dans la déclaration de succession, voire avant celle-ci au cas où le donataire bénéficierait d'une donation faite par acte authentique.

    En revanche, le don manuel consenti à une personne qui n'est ni héritière ni légataire pourrait n'être jamais imposé si l'avant dernier alinéa de l'article 757 du CGI n'indiquait pas que ce don devait être déclaré, et donc imposable, lorsqu'il était « révélé »  à l'administration. Cette « révélation »  imposant la déclaration intervient le plus souvent dans le cadre d'un contrôle fiscal imposant au bénéficiaire de justifier de l'entrée d'une valeur dans son patrimoine. Elle peut également résulter d'une déclaration de plus-value si le bien est vendu, notamment s'agissant d'oeuvres d'art, si le vendeur a choisi le régime des plus-values (CGI, art. 150 VL et 150 VM) plutôt que celui de la taxe forfaitaire prévue par l'article 150 VI du CGI.

    Ce choix conduisait le donataire à révéler le don de tableau dont il avait bénéficié et l'absence de lien de parenté entre le donateur et le donataire entraînait le paiement de droits au taux de 60 %, ce qui ne pouvait laisser l'administration indifférente. Celle-ci ayant mis en demeure le donataire de déclarer les donations faites en 1994 et en 2000 de deux tableaux, le donataire les a déclaré pour 1 € chacun alors qu'il envisageait de les vendre pour plus d'1 million d'euros. L'administration, dans sa proposition de rectification, se fondait sur l'article 757 du CGI qui prévoit que le don manuel est taxé sur sa valeur au jour de la déclaration ou sa valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure.

    La cour d'appel ayant confirmé le redressement notifié par l'administration, le donataire a, à l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt, demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité pour voir déclarer nulles les dispositions de l'article 757 du CGI comme contraires aux dispositions de l'article 34 de la Constitution et des articles 6, 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen car portant atteinte au principe de l'égalité des contribuables devant la loi ainsi qu'à celui de la sécurité juridique qu'elle doit leur garantir.

    La Cour de cassation, estimant que les dispositions n'avaient pas été déclarées conformes à la Constitution et que la question présentait un caractère sérieux, l'a transmise au Conseil constitutionnel.

    Remarque : la démarche peut surprendre et on ne sait pas si la question porte sur le principe d'imposition ou sur les modalités d'évaluation. Le grief d'égalité entre les contribuables pourrait-il se fonder sur le dernier alinéa de l'article 757 du CGI qui précise que ses dispositions ne s'appliquent pas aux organismes d'intérêt général mentionnés à l'article 200 du CGI, mais il faudrait alors condamner toutes les exonérations accordées par les articles 794 et suivants du CGI au profit des personnes morales. Certes on pourrait soutenir que le montant de l'impôt va varier selon la date à laquelle le don est déclaré, mais il semble logique que les textes ne laissent pas totalement au donataire le choix de l'assiette de l'impôt. Le don manuel porte souvent sur des actions. Si elles valaient 1 000 lors de la donation et que par suite d'un évènement géopolitique ou sanitaire leurs cours s'abaisse à 500 pour remonter ensuite à 1 000, la disposition de l'article 757 du CGI qui prévoit que si on déclare le don lorsque les actions valent 500 l'impôt sera perçu sur la valeur lors de la donation soit 1 000, n'est qu'une mesure destinée à lutter contre certains abus. On suivra donc avec attention la réponse qui sera donnée à cette question par les Sages de la rue Montpensier.

    Michel Hérail, Docteur en droit, directeur honoraire Cridon-Ouest

    Etudes concernées

    • Règlements successoraux