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La résiliation du bail rural ne peut être fondée sur des agissements fautifs antérieurs au renouvellement

Publié le 10/06/21 par Editions Francis Lefebvre

    10/06/2021 | FIL D'INFO | Rural

    La résiliation du bail rural ne peut être fondée sur des agissements fautifs antérieurs au renouvellement

    Cass. 3e civ., 21 janv. 2021, n° 20-10.916, n° 62 F-D

    Le renouvellement, en ce qu'il entraîne la formation d'un nouveau bail, prive le bailleur de la possibilité d'en demander la résiliation pour un défaut de paiement des fermages dus au titre du bail expiré.

    Les causes de résiliation du bail rural étant aussi des causes de non-renouvellement (C. rur., art. L. 411-53), la demande de résiliation fondée sur des faits antérieurs au renouvellement du bail soulève des difficultés en jurisprudence. Le bail renouvelé constituant dans tous les cas un nouveau bail (C. rur., art. L. 411-50), entièrement distinct de l’ancien (Cass. 3e civ., 25 avr. 1990, n° 88-18.228 : Bull. civ. III, n° 100), on devrait en effet décider, logiquement, que ce bail purge tous les manquements antérieurs du preneur.

    La Cour de cassation n’avait cependant pas adopté une solution aussi tranchée. Elle posait ainsi pour règle que le bailleur conservait la possibilité de demander la résiliation si les manquements commis avant le renouvellement faisaient sentir leurs effets sous l’empire du nouveau bail ou se prolongeaient depuis le renouvellement (Cass. soc., 11 févr. 1965, n° 63-11.619 : Bull. civ. IV, n° 127 ; jurisprudence constante).

    Cette solution traditionnelle est aujourd’hui remise en cause dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 21 janvier 2021. L’affaire est la suivante.

    Un bail rural à long terme de 18 ans est conclu en 1998. Par un acte du 24 mars 2016, le bailleur fait délivrer au preneur un premier commandement de payer les fermages des années 2014 et 2015. En l’absence de congé délivré par le bailleur, le bail initial se renouvelle par tacite reconduction pour une nouvelle période de neuf ans courant du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2025. Après avoir fait délivrer, par un acte du 19 décembre 2016, un second commandement de payer les fermages des années 2014 et 2015 au fermier, le bailleur saisit finalement le tribunal paritaire des baux ruraux d’une demande de résiliation du bail et d’expulsion du preneur pour non-paiement des fermages.

    Il est fait droit à cette demande en cause d’appel. Au soutien de leur décision, les juges du second degré relèvent en effet que le preneur n’ayant pas payé les fermages des années 2014 et 2015, le bailleur lui a fait délivrer une mise en demeure par acte d’huissier du 24 mars 2016. Ils retiennent par ailleurs que le bailleur était dans l’impossibilité temporelle de délivrer un congé pour s’opposer au renouvellement du bail. Ils affirment, enfin, qu’aucun obstacle juridique ne l’empêchait de délivrer une mise en demeure portant sur ces deux échéances, préalable indispensable à l’action en résiliation, de sorte que le renouvellement du bail par le seul effet de la loi n’interdit pas d’en demander la résiliation pour des manquements antérieurs.

    Cette décision est censurée sèchement par la Cour de cassation, pour violation de la loi, sur le visa des articles L. 411-31, 1°, L. 411-50 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime. Elle rappelle notamment que, selon le deuxième de ces textes, à défaut de congé, le bail est renouvelé pour une durée de neuf ans, ce qui donne lieu à un nouveau bail. Les Hauts magistrats reprochent à la cour d’appel d’avoir statué comme elle l’a fait, alors que le renouvellement, en ce qu’il entraînait la formation d’un nouveau bail, privait la bailleresse de la possibilité d’en demander la résiliation pour un défaut de paiement des fermages dus au titre du bail expiré.

    La Cour de cassation se fonde ainsi sur la seule nature du bail renouvelé pour prononcer la censure de la décision attaquée. Elle ne réserve plus, comme précédemment, l’hypothèse d’une poursuite des manquements au cours du bail (Cass. 3e civ., 22 mai 1986, n° 84-16.793 : Bull. civ. III, n° 75). Aussi, en l’état de ces éléments, il convient d’en déduire que l’arrêt du 21 janvier 2021 emporte revirement de jurisprudence en la matière.

    Franck Roussel, Docteur en droit , Juriste-Coordinateur et Délégué aux affaires intérieures au CRIDON Sud-Ouest, Chargé d’enseignement à l’Université de Bordeaux

    Etudes concernées

    • Baux ruraux (Fermage - Métayage)