Publié le 12/11/25 par Inafon National
Observations à propos de Cass. 1ère civ. 10 sept. 2025, n°23-18.37. Cette note reproduit celle diffusée sur la veille jurisprudentielle du site www.alsnot.fr avec l’aimable autorisation de son Directeur de publication.
Au cas particulier, une personne décède en 2011, laissant pour lui succéder ses trois enfants et son conjoint avec qui elle était marié sous le régime de la communauté légale, bénéficiaire d’une donation entre époux en usufruit. En 2017, ledit conjoint décède à son tour, laissant pour lui succéder les trois enfants du couple, dont une fille (Mme X) qu’il institue légataire universelle de la succession. Les deux autres enfants assignent alors leur sœur en liquidation et partage des deux successions.
En appel, les juges du fond font droit à cette demande, en considérant notamment que la fille ne disposait dans la succession de son père que de droits de moitié en pleine propriété (la quotité disponible et sa réserve).
Suite au pourvoi formé par la légataire universelle, l’arrêt est cassé sans renvoi, au visa des articles 924 et 1003 du Code civil.
La Cour de cassation rappelle d’abord que le legs universel « (…) est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès ». Elle prend également le soin de préciser que « La nature d'un tel legs, qui porte sur l'universalité des biens du disposant, est déterminée non par ce que le légataire reçoit, mais par ce que le testament lui donne vocation à recevoir ». Elle en déduit que la Cour d’appel, en considérant que le legs ne portait que sur la moitié des biens successoraux, a violé l’article 1003 du Code civil.
Elle rappelle aussi qu’il résulte de l’article 924 du Code civil « qu'en principe, le legs est réductible en valeur et non en nature, de sorte qu'il n'existe aucune indivision entre le légataire universel et l'héritier réservataire ». En conséquence, en estimant que « Mme X se trouve en indivision avec ses frères sur les biens communs et propres de leurs parents [au motif que] la double qualité de légataire universel et d'héritier réservataire ne confère pas à elle seule, en présence d'autres héritiers réservataires, un droit de propriété privative sur les biens dépendant de la succession du testateur », la Cour d’appel a également violé ledit article 924 du Code civil.
Elle en déduit enfin que Mme X dispose bien de la pleine propriété de tous les biens de la succession, ce qui justifie de rejeter la demande de partage judiciaire.
Observations
Cette décision vient, en premier lieu, confirmer un autre arrêt (v. déjà Cass. 1ère civ. 1er déc. 2021, n°20-13.923) duquel il ressortait déjà que le légataire universel, parce qu’il n’encourt par principe que la réduction en valeur, n’est pas en indivision avec les héritiers réservataires sur les biens successoraux.
On notera toutefois, au cas particulier :
En second lieu, la Cour de cassation rappelle à juste titre que le legs « universel » se détermine non pas par son objet, mais par le fait qu’il confère au légataire une « vocation à l’universalité ». En effet, et comme l’écrit le professeur Grimaldi : « Le legs universel se caractérise non par l’émolument recueilli, mais par la vocation conférée : il est celui qui donne vocation au tout » (M. Grimaldi, Libéralités, Partages d’ascendants, Litec, 1ère ed ; 2000, n°1455).
C’est ce qui explique, notamment, qu’un légataire universel puisse ne recueillir concrètement aucun bien, si la succession est « vidée » par des legs à titre particulier.
C’est ce qui explique aussi qu’il n’y a pas de contradiction à considérer en même temps, que le legs de quotité disponible est un legs « universel » (il confère une vocation au tout, notamment en l’absence d’héritier réservataire), et qu’il puisse ne porter que sur une « quotité » des biens successoraux, ceux qui n’entrent pas dans la composition de la réserve (en ce sens, v. notre documentation ALS.Not www.alsnot.fr , v. aussi D. Epailly, « Variations autour du legs de quotité disponible, Nota Bene n°166, sept. 2011, fiches 669 et 670). Ainsi, en principe, bien qu’étant « universel » un legs de quotité disponible n’est pas l’équivalent du legs de « tous les biens ».
Cela étant dit, il ne revient évidemment pas au même de dire que le legs de quotité disponible est un legs universel dont l’objet est a priori une fraction des biens (v. supra), que de considérer qu’un legs qualifié d’universel par le testateur est en réalité un legs « à titre universel » limité à la quotité disponible. En le jugeant, la Cour d’appel s’est doublement écartée du testament puisqu’elle a dénaturé la vocation de la légataire mais aussi l’objet du legs. Sur ce point, la censure de la Cour de cassation était donc pleinement justifiée.
- Ecrite par David EPAILLY
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